Feu vert pour le métro du futur

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Encore trois jours de suspense. Mercredi, le Premier ministre prononcera son « discours historique du 6 mars » sur le Grand Paris. Devant un parterre de 700 élus et décideurs économiques franciliens, Jean-Marc Ayrault dévoilera son projet en matière de gouvernance et donnera le coup d’envoi au « nouveau » Grand Paris Express (GPE). Le lieu du rendez-vous, la cité Descartes, à Noisy-Champs, à cheval sur le 93 et le 77, ne doit rien au hasard : le premier tronçon du GPE doit précisément relier, dès 2020, le Pont-de-Sèvres à Noisy- Champs, au sud de la ligne Rouge. « Les annonces du Premier ministre correspondront peu ou prou aux propositions de Cécile Duflot [la ministre EELV en charge du Grand Paris] », indique le député Alexis Bachelay (PS), corapporteur de la mission de suivi de la loi sur le Grand Paris. « Les travaux devraient commencer dans deux ans, de manière à peu près simultanée, pour une livraison complète en 2030 ou 2032. Tout cela est acté », ajoute Yves Albarello (UMP), l’autre corapporteur.

Les arbitrages définitifs de Matignon seront pris in extremis. Les négociations vont bon train entre Matignon, Bercy, l’équipe de Cécile Duflot et celle de Jean-Paul Huchon (PS) à la région. D’où la fébrilité des différents acteurs du dossier. « Chaque jour, il faut revoir la copie », soupire un membre de cabinet. « Ça change toutes les cinq minutes », déplore un autre. Première certitude cependant : Jean-Marc Ayrault confirmera une « fusion » entre le GPE (30 milliards d’euros pour 200 km de métro automatique) et le plan de mobilisation, c’est-à-dire l’amélioration des RER existants (7 milliards d’euros sur la période 2014-2018).

Autre point acquis : le calendrier est repoussé d’au moins cinq ans. « Même riche à milliards, l’objectif initial de 2025 est impossible à tenir, sauf à rétablir l’esclavage, dit-on dans l’entourage de la ministre écologiste. Il faudrait construite 18 km de métro par an. Même Shanghai, qui détient le record du monde [17 km/an], n’y arrive pas. »

Des économies de 4 milliards d’euros

La proposition de Cécile Duflot à Jean-Marc Ayrault distingue trois types de lignes pour le futur Grand Paris Express. Le premier « paquet » consiste en une « rocade en zone dense » qui passerait, au nord, par Saint-Denis-Pleyel ; à l’ouest, par la Défense ; au sud, par Pont-de-Sèvres, Villejuif, Créteil ; et à l’est – c’est une nouveauté –, par Champigny, Rosny-Bois-Perrier, Bobigny… Cette ligne Rouge de « métrophérique de grande capacité » (quais de 120 m) pourrait être baptisée ligne 15.

Le deuxième « paquet » concerne deux lignes existantes qui seraient prolongées : 1) la 14, jusqu’à Orly au sud, et jusqu’au Bourget RER au nord ; 2) la 11, au-delà de Mairie-des-Lilas, vers l’est, jusqu’à Rosny- Bois-Perrier, puis Noisy-Champs.

Enfin, le troisième « paquet » comporte trois lignes « allégées » par rapport au projet initial : 1) la ligne Grand-Est, du Bourget-RER à Noisy-Champs, via Clichy-Montfermeil, en métro « à capacité adaptée » (avec des quais et des rames de 60 m) ; 2) la ligne du nord, du Bourget-RER au Mesnil-Amelot, via l’aéroport de Roissy, en métro léger partiellement aérien ; 3) la ligne Verte au sud, d’Orly à Versailles, via Saclay, en métro de surface léger, de faible capacité, type tram-train. Trois lignes qui pourraient porter les numéros « 16 », « 17 » et « 18 », pour mieux s’intégrer au réseau de métro existant.

Taxer les billets d’avion

Cette cure d’amaigrissement vise à faire des économies, chiffrées à 4 milliards. Le coût du GPE serait ainsi abaissé à quelque 26 milliards… qu’il reste à financer. Matignon doit trancher entre plusieurs propositions de financement, à commencer par le « déplafonnement » de la taxe Grand Paris. Duflot espère un engagement de l’État de 1 milliard d’euros qui permettrait d’optimiser l’emprunt. Des fonds européens pourraient aussi être sollicités. D’autres pistes sont envisagées, explique Yves Albarello : une augmentation de la taxe de séjour sur les hôtels parisiens, un prélèvement de 1 euro sur les 100 millions de billets d’avion vendus chaque année à Roissy et Orly, une hausse des amendes de stationnement…

Le Medef-IDF s’insurge contre une nouvelle hausse de la fiscalité. La chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Île-de-France pronostique, elle, selon Le Figaro, une accélération de la croissance francilienne grâce au GPE : 2 % par an en 2015-2020, 3 % au-delà de 2030. Un gain de recettes fiscales chiffré à 60 milliards d’euros. Sachant que la région parisienne pèse un tiers du PIB national, Jean-Marc Ayrault ne prononcera pas à la légère son « discours historique ».

Bertrand Gréco – Le Journal du Dimanche 3 mars 2013

Le Grand Paris, un coût élevé mais des recettes alléchantes en vue

publié le 02/03/2013 à 10:44, mis à jour à 10:44

PARIS, 02 mars 2013 – Le Grand Paris des transports est plus souvent présenté sous l’angle de son coût élevé et de ses difficultés à boucler son financement que sous l’angle, pourtant essentiel, des recettes qu’il pourrait rapporter à moyen et long terme.

Les annonces du Premier ministre Jean-Marc Ayrault attendues mercredi, devraient concerner le Grand Paris des transports. Cela regroupe le Grand Paris Express (GPE), futur métro automatique créant enfin des rocades nécessaires pour relier les banlieues aux banlieues sans passer par le coeur archi saturé de Paris, et la rénovation de l’existant.

Le rapport Auzannet de vérité sur les coûts du GPE a fait apparaître un surcoût de presque 10 milliards aux 20,5 prévus, qui pourrait être amenuisé avec des redimensionnements de certains tronçons. Au final, la note pourrait plutôt se situer à 26 milliards.

A cela, il faut ajouter la modernisation du réseau actuel, sa prolongation par endroits et l’étoffement de l’offre de tramways et de RER, listés dans un « plan de mobilisation » qui se chiffre à 7 milliards environ.

Le total approche donc une dépense de plus de 35 milliards d’euros, que de nombreux acteurs, élus en tête, qualifient de « bonne dépense publique » pusqu’il s’agit d’investissement pour la collectivité et sur le très long terme, à l’image du métro parisien.

Plusieurs acteurs ont produit des études pour montrer que ce réseau serait générateur de recettes à moyen et long terme.

 

Ainsi, le comité scientifique de la Société du Grand Paris (SGP, maître d’ouvrage) a présenté à l’automne des modélisations s’appuyant sur la valorisation des emplois créés, l’impact sur l’urbanisme ou encore les gains de trajet pour les usagers et l’environnement, qui vont de 39 milliards d’euros à plus de 100 mds, avec une hypothèse médiane de plus de 70 mds.

La Chambre de commerce et d’industrie de Paris a fait travailler de son côté ses propres experts sur l’impact du grand réseau de transport sur l’activité des entreprises, la croissance de l’emploi avec le développement de certains pôles d’activités (Grand Roissy, Triangle de Gonesse, Saclay, vallée de la Biotechnologie dans la Bièvre, etc.)

Partant d’hypothèses d’accélération de la croissance en Ile-de-France, qui pèse pour 30% dans le PIB de la France, de 2% par an à partir de 2015 et pouvant atteindre 3% par an après 2030, le surcroît de recettes fiscales pourrait s’élever à 60 mds d’EUR.

Enfin, la banque d’affaires JPMorgan s’est penchée, elle, sur les valorisations immobilières des actifs placés sur le tracé sur futur métro. Certaines sociétés d’investissement immobilier cotées voient déjà leurs biens gagner 6% soit 1,7 milliard alors même que les travaux n’ont pas commencé.

Le Grand Paris, marqueur de la vision du gouvernement pour l’Ile-de-France

02.03.2013

Quelle ambition pour l’Ile-de-France, première région française ? C’est à cette question que Jean-Marc Ayrault répondra mercredi en annonçant sa vision du Grand Paris, articulée autour des transports dont le futur métro automatique. Symboliquement, le Premier ministre annoncera ses arbitrages sur le financement du Grand Paris Express, sa mise en chantier, et la modernisation des transports du quotidien en grande banlieue, à l’université de Marne-le-Vallée (Seine-et Marne).

Carte du projet de nouveaux transports collectifs en Ile-de-France, Grand Paris et Arc Express, avec l’hypothèse privilégiée par le rapport Auzannet 

© AFP

Tous les arbitrages n’étaient pas encore pris à l’orée du week-end, mais l’ombre d’un report généralisé du projet s’est éloignée, scénario catastrophe qui aurait déclenché l’ire des élus et des 7 millions de Franciliens usagers de transports en commun saturés.

En effet, le « redimensionnement » de certains tronçons, autrement dit le fait d’y mettre des trains plus courts parfois en surface et non plus forcément enterrés, est prévu: il permet d’économiser 3 milliards sur un projet qui avait explosé à 30 milliards (10 mds de plus que prévu par le précédent gouvernement) mais posait un problème juridique.

Consulté, le Conseil d’Etat a rendu son avis jeudi et levé l’hypothèque: les modifications auxquelles songe le gouvernement ne l’obligeraient ni à modifier la loi Grand Paris, et donc à repasser devant le Parlement, ni à relancer tout le processus de consultation publique, selon des sources ministérielles.

Lundi matin, Cécile Duflot, la ministre en charge du dossier, et Jean-Marc Ayrault se retrouveront pour peaufiner le dossier. Les derniers arbitrages devraient être ensuite rendus.

Car il va falloir trancher entre les scénarii possibles. « On sait que plusieurs choix sont techniquement possibles, juridiquement accessibles et économiquement intéressants mais il faut les regarder de près », explique un proche du dossier.

Par exemple, abaisser de 120 à 90 m la longueur des quais de la rocade principale permettrait d’économiser un milliard d’euros, conservant un réseau capable d’encaisser l’augmentation de trafic prévue à long terme pour quasiment toute la boucle sauf quelques gares dans les Hauts-de-Seine.

Pour les financements, plusieurs recettes sont aussi possibles avec des dosages différents de taxes à déplafonner, de nouvelles taxes à créer, d’emprunt (durée, modulations, structure, etc..).

Les élus franciliens de tous bords, craignant que le gouvernement ne renonce à ce projet qu’ils ont vendu à leurs populations, ont aussi fait assaut d’imagination.

Le président PS de la région, Jean-Paul Huchon, a listé tout ce qui pourrait être mis dans le « plan de mobilisation »: rénovation des RER, prolongation de lignes, nouveaux tramways, etc. Et chiffré le tout à 7 milliards sur le quinquennat.

Jean-Paul Huchon et Cécile Duflot, qui avait été une farouche opposante au projet quand elle était patronne des Verts à la région, se sont attelés à déminer le chemin de Matignon.

Ministère et Région ont ainsi présenté 2030 comme l' »horizon crédible » d’achèvement du réseau (contre 2025 dans la loi), tout en soutenant l’idée de mener de front la modernisation de l’ancien avec la construction du nouveau, si possible en plusieurs endroits en même temps, pour éviter l’effet désastreux d’avoir des territoires gagnants et des perdants.

Avec ses 200 km de voies et ses 72 nouvelles gares, le Grand Paris Express avait aussi de quoi rapprocher les deux personnalités: il doit générer la création de logements (attribut du ministère de Mme Duflot) dans une région en pénurie et entraîner de l’activité économique (compétence dont les régions pourraient devenir chef de file dans l’acte III de la décentralisation).

Ce projet d’aménagement du territoire peut aussi être présenté comme un moteur de croissance, en cette période de mauvaises nouvelles sur la croissance et le chômage.

« Ce sont entre 120.000 et 150.000 emplois qui y sont liés », des emplois non délocalisables, estime Jean-Paul Huchon qui veut croire que le gouvernement fera « un exemple de keynésianisme utile » et « sera au rendez-vous du volontarisme ».

Par Sophie LAUTIER – AFP

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